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Un regard de beauté et de bonté sur la vie et tout ce qu'elle nous offre au quotidien.

« C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit… »

De François CASSINGENA-TREVEDY, moine bénédiction de Saint Martin de Ligugé
Ancien élève de l’ENS (Ulm), docteur en théologie

Ange à la clé
Ange à la clé

Au-delà du demi-millier de victimes qu’elles ont anéanties ou mutilées, les balles tirées par les misérables fantoches de Daesh ont trouvé en chacun de nous leur impact, et l’on dirait que les ravages de leur maléfice expansif s’étendent en nous à mesure que le temps nous éloigne de l’épouvantable nuit...

Dieu seul sait ce que faisait Dieu, où était Dieu cette nuit-là. Au moins les vrais croyants, les croyants insoumis le savent-ils (ceux de l’Islam compris, bien sûr). Il était sous les balles, comme d’habitude...

Aussi est-il un Dieu dont nous attendons avec la plus vive espérance l’acte de décès : celui au nom duquel on donne la mort. À bien considérer les choses, celui-là n’est jamais qu’un sous-produit du pétrole, une marionnette actionnée par les appétits impérialistes.

Le temps est venu, en tout cas, pour tous ceux qui se réclament de quelque texte sacré que ce soit, d’en entreprendre au grand jour une herméneutique éclairée et, le cas échéant, de faire l’anamnèse des crimes dont ils ont cru lire en eux l’autorisation.

Et l’homme, lui, grand Dieu ! que faisait-il ? Où était-il donc passé, cette nuit-là ?... Nous tenons désormais sur nos genoux, et dans l’irréductible aporie de notre pensée, une humanité exorbitante et disloquée. Car la question ultime et redoutable que cette nuit soumet à nos méditations et pose à nos responsabilités est la suivante : comment naissent les monstres? Comment l’homme devient-il un monstre ?

Quelle débâcle mentale et affective, quelle faillite pédagogique, quelle déshérence culturelle, quel délitement du lien social, quelle machine infernale de la séduction idéologique, quelle aspiration du « néant vaste et noir » (Baudelaire), font insensiblement d’un homme une arme automatique sans émotion, sans sourcillement, sans fourmillement, sans remords, sans visage ?

Tout faire, à la source, à la racine, à l’aubier, pour que l’homme ne devienne pas un monstre, pour que nous ne devenions pas des monstres (sait-on jamais ?), pour que ne s’érige pas de monstre collectif : voilà la résolution positive qui doit accompagner notre réveil aux urgences de l’histoire, voilà, à peine passée cette nuit, et dans l’appréhension d’autres nuits pareilles, la tâche qui nous attend. Alors seulement, peut-être, sur l’horreur se lèvera l’aurore.

23 novembre 2015

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