Un regard de beauté et de bonté sur la vie et tout ce qu'elle nous offre au quotidien.
Samedi 1er septembre 2012
Je pense qu’Antananarivo restera une perpétuelle source d’étonnement pour moi. À la fois habitude et étonnement, oui, c’est exactement ça. Si on ne s’habitue pas au lieu où l’on habite, on reste étranger. On reste « dérangé » par tout ce qui se passe autour : par la cohue indescriptible des piétons, des scooters, des 4x4, des taxis, des bus, par les échoppes des marchands sur les trottoirs, par les interpellations des vendeurs qui arpentent l’avenue de la Libération dans l’espoir de vendre quelques gousses de vanille ou bien des épices aux rares « vazas » qui, d’aventure, traînent dans le coin. Mais les vazas, à Tana, y’en a pas tant que ça ! Et ceux qui sont là ne sont pas des touristes. Ou plutôt les touristes se trouvent dans d’autres lieux. Ils ne sont pas dans les rues, ils sont dans les hôtels…
Dans les rues, il y a aussi des gamins, ces fameux gamins des rues, hauts comme 3 pommes, de tous jeunes enfants qui dorment sur de vieux cartons, allongés sur le trottoir. Sales, en guenilles, ils traînent en bandes bruyantes. Ils ont leur part de trottoir, leur place attitrée en quelque sorte. Hier, l’un d’entre eux (avait-il 9, 10 ans ?) est passé en chantant d’une voix magnifique le long de la queue, dans laquelle je me trouvais, pour le bus 137. Une voix émouvante. Je n’ai pas osé glisser un billet dans son chapeau. J’ai eu peur d’être repérée et d’être ensuite sollicitée par toute la bande. Peur. Cette même peur, je l’ai éprouvée, tout au début, de la si grande promiscuité. Comme j’ai eu peur aussi parce que je ne savais pas où j’étais : les quartiers, les rues, les collines de Tana ne se laissent pas aborder avec tant de familiarité ! Il faut y mettre les formes, il faut expérimenter ses pentes et ses creux, ses embouteillages, ses carrefours sans signalisation, il faut l’apprivoiser comme on le fait d’un enfant rebelle, farouchement indépendant, n’ayant de leçon à recevoir de personne.
Si on ne s’habitue pas à tout ça, on reste sur le bord, en marge de la vie malgache, on reste spectateur de ses propres émotions, renonçant à l’hospitalité de ce peuple pauvre et accueillant. Car la ville, engoncée dans ses replis, sait digérer tout ce qui passe, tous ceux qui passent. Elle sait faire de la place là où l’on se dit qu’il n’y en n’a plus. La ville de Tana, fière et solide, ne s’en laisse pas conter : tu t’habitues ou tu t’en vas. Pas de demi-mesure. J’ai donc choisi de m’habituer, mais aussi de me laisser étonner. J’ai choisi de ne pas ignorer ses avances tout en résistant à son appétit glouton d’assimilation. Je ne suis qu’une étrangère qui s’habitue, je ne serai jamais malgache. Je suis moi, quoi !